Tout se joue encore après 50 ans…
« Vieille peau, tu as dépassé 50 ans ? Tu coutes cher, tu encombres les allées du pouvoir, de plus tes idées sont dépassées. »
Subrepticement, ces croyances se glissent dans les consciences des quinquagénaires et ceux qui les observent et parfois les jettent (bref, je me suis fait virer). Pourtant, après 50 ans existe un large champ de possibles. S’il n’est pas facile de prendre le chemin de la transformation, conditionnés que nous sommes à voir toute carrière comme un escalier qui monte au ciel (le ciel, oui, patience, ca va arriver, c’est garanti), dans cet article, je propose trois chapitres pour élargir la vision de cette « fin de carrière ».
L’argent
Forgé au mythe de la croissance éternelle, nous sommes éduqués à accumuler et réclamer toujours plus. Or, si nous finissons tous entre 4 planches ou dans une urne, si nous savons que notre retour à la poussière est un départ sans bagages, sans or, nous avons tendance à ne pas en prendre profondément conscience. Nous le savons « intellectuellement ».
Un jour, à l’époque où je faisais un malheureux détour dans le métier de conseiller en gestion de patrimoine, un client fortuné qui était bien après 50 ans, a ainsi répondu à ma question « quels sont tes objectifs patrimoniaux » : « le jour où je meurs, je veux n’avoir qu’un euro en poche ». D’humeur espiègle, je lui avais répondu : « donne moi la date de ta mort, je te prépare un plan patrimonial pour répondre à ta demande ». Son objectif était tout à fait juste !
En début de carrière, il est nécessaire de trouver les moyens de se loger, d’abriter une famille, de constituer un minimum vital. Puis viennent les budgets « études » qui pompent sévèrement les finances. Finalement, entre 30 et 50 ans, le besoin en fonds de roulement est clairement important, puis ce besoin décroit (je parle de « besoin » pas de « désir »).
Même le logement grandit avec la taille de la famille… ensuite, à quoi sert de garder une grande surface quand les enfants sont partis ? Pour les recevoir 15 jours en vacances ? N’est-il pas plus cohérent de leur réserver un AirBNB à 5 minutes pour éviter les accumulations de désordre qui font monter la tension des vacances ? N’est-il pas plus astucieux de diminuer la taille du logement pour réduire les frais, l’impact carbone, le ménage ?
Il est possible de reconsidérer, profondément, la relation à l’argent quand on aborde et on dépasse le rivage de la cinquantaine. De quoi ai-je vraiment besoin maintenant ? Qu’est-ce que la course à l’argent m’a appris ? Après 50 ans, comment revisiter mes vraies priorités ? Gagner moins après 50 ans, est-ce si grave ?
(NB : vous lisez un article écrit par quelqu’un qui, à la tête d’une famille recomposée de 5 enfants, a été totalement ruiné à 58 ans, alors que j’étais millionnaire à 40 avec un salaire à 6 chiffres avant la virgule… L’épisode terrible de me retrouver ruiné et le moral détruit m’a conduit à ré inventer une nouvelle vie au Canada alors que je vivais en Provence depuis 30 ans. Oui la relation à l’argent peut changer).
Le pouvoir
La vision verticale et hiérarchique reste dominante. Notre conditionnement pousse à élargir le spectre de nos responsabilités, en tout cas celles inscrites sur notre carte de visite. Après 50 ans disent certains abrutis, si tu n’as pas ta Rolex et que tu n’es pas au sommet de la pyramide, tu as raté ta vie.
Ces affirmations font beaucoup de dégâts. Le sentiment que la réussite (au fait, c’est quoi la réussite) est intimement liée à la longueur des titres accumulés est bien étrange. Comment être sûr que le « pouvoir traditionnel » est une garantie de bonheur ? Après tout, si nous n’allons pas vers plus de bonheur de vivre, à quoi bon ?
J’ai envie de rappeler l’histoire surement romancée du prof qui interroge John Lennon à l’école : « Que veux-tu faire quand tu seras grand ? » John : « Je veux être heureux. » Le prof : « Tu n’as pas compris la question. » John : « Vous n’avez pas compris la vie. »
Ce qui est utile dans le mot « pouvoir », c’est sa déclinaison en verbe. « Je peux » parce que j’ai le pouvoir. Mais « je peux » pas seulement parce que je suis le président directeur général à la tête de 25 000 humains. « Je peux » parce que je suis en mesure d’influencer, d’impacter par mon expérience et ma pertinence, d’inspirer les autres en les orientant direct au but, grâce à ce que la traversée de la vie m’apporté.
Après 50 ans, il est très possible de bien vivre avec moins de pouvoir affiché et plus de pouvoir d’influence. Il s’agit surement de développer le sens tactique et de résoudre une forme d’impatience à monter qui a été forgée dans des années de luttes.
Les idées
Dans cet univers occidental où le jeunisme domine, l’essentiel de la communication va dans ce sens, il semble que les idées des vieux sont dépassées. Bien sur, certaines personnes prennent le chemin de la radicalisation de leurs idées au lieu de prendre celui de la sagesse. Nous devrions probablement nous inspirer des peuples premiers, qui gardent une place importante aux anciens.
Les idées du sage restent d’actualité quelle que soit l’époque. Une entreprise ou un pays qui se prive de la réflexion des ainés fait fausse route. La connaissance n’est pas pas un livre qu’on récite. C’est plutôt une accumulation d’expériences qui se sont agrégées, de manière unique.
Après 50 ans, l’intuition est davantage aiguisée, la vision plus claire, l’analyse de risques plus fine. Pourtant, le vieux shnock peut encore être pris dans un syndrome de l’imposteur car il ne réalise pas toujours que son apport est la synthèse de nombreuses échecs, réussites, tentatives. Avec les années qui passent, comme le bon vin, l’humain gagne en profondeur (sauf s’il s’est perdu dans des luttes d’ego). Cette profondeur de champ rend « le temps qui reste » un espace de possibilités.
Après 50 ans tout est possible
Si vous êtes dans l’étape après 50 ans… il est très possible…
- de rester très influent à l’intérieur de l’entreprise en occupant des métiers fonctionnels (lire l’article sur les enjeux d’un métier fonctionnel)
- de prendre votre chance de consultant libre, devenir freelance et accompagner de nombreuses entreprises qui ont besoin de vos talents
- d’assumer votre métier de pouvoir en y injectant de l’intelligence collective qui vous fera gagner en puissance puisque vous développerez l’autonomie autour de vous, ce qui reviendra en boomerang avec des alliés toujours plus nombreux
Bref, après 50 ans, tout est possible… en doutiez-vous ?
“Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brule” (SIC)
0 commentaires