L’exercice du pouvoir consiste à arbitrer… souvent. Or, confronté à la complexité croissante, il est légitime de se poser la question : quelle est la meilleure option ? Préalablement, le chemin doit passer par : quelles sont les options, puis comment les peser ?
Dans cet article, je vais évoquer plusieurs outils pour travailler la meilleure option.
En premier lieu, existe-t-il une « meilleure option » ? Rien n’est moins sur. Comment savoir si, une fois la décision tranchée, elle était excellente et au-dessus de autres. Au risque de décevoir ceux qui croient qu’il y a toujours une solution qui dépasse les autres, je pense qu’il n’existe aucun moyen de le vérifier. En effet, dès que l’arbitrage est fait, le leader entre dans le champ de l’action qui distord immédiatement l’espace-temps. Si j’avais pris une autre voie, l’histoire aurait été différente, ma décision interfère sur la nouvelle réalité.
Premier constat donc : oublions le concept de meilleure option comme verdict absolu et admettons plutôt la dimension du « risque » de prendre une décision.
Décider, c’est prendre un risque. J’ai envie d’ajouter : c’est d’ailleurs cette prise de risque qui donne du sel à l’existence. Le confinement est sympa un moment pour se reposer, mais c’est dans le fait d’oser (sortir de la zone de confort), de s’exposer, de tenter que se révèle une grande partie de la joie de vivre.
Ayant mis de coté le fait qu’il n’existe pas la « meilleure option » dans l’absolu, cela n’empêche pas l’exercice nécessaire de classer les possibilités, les ranger pour aider à la prise de décision. Il est utile de rappeler la différence entre « option » et « alternative ». L’alternative, c’est la réduction des options à un choix réduit à deux : blanc ou noir, un ou zéro, droite ou gauche. La confusion est courante entre les deux mots, ce qui ligote bien des réflexions. Le premier dit « blanc », le second réplique « noir » et le débat se transforme en combat de coqs.
Le mot « option » permet d’élargir la pensée. Quelles sont mes options ?
Une manière de sortir de l’alternative est d’utiliser le tetralem, outil suggéré en formation par Robert Dilts, dans une dynamique que j’avais trouvé très ludique et qui permettait la sortie de la domination supposée juste du cerveau rationnel.
Debout, entouré de quatre compères proches et répartis devant, derrière, à droite et à gauche, le sujet explique son dilemme, qui souvent se traduit par une alternative. Le compère en face sera « je pense que je dois décider blanc », celui de derrière représente « je pense que je dois décider noir ». Celui de gauche prend le rôle de « je pense que je dois décider blanc et noir », celui de droite « je pense que je dois décider ni blanc ni noir ». Pendant quelques minutes, le sujet pivote successivement de 90° pour écouter l’un des compères qui déclare « blanc » ou « blanc et noir » ou « noir » ou « ni blanc ni noir ». Il fait ainsi plusieurs tours sans répondre, juste ressentir ce qui émerge. Puis, il raconte à ses quatre assistants ce que cela a remué en lui.
Ce qui est intéressant avec cet exercice du tetralem (qui vient remplacer l’alternative du dilemme), c’est qu’il sollicite le corps, dans un tournis inspirant avec le regard de personnes qui mettent le sujet au défi de ses propres limitations intérieures. Cet outil ouvre le champ des options.
Lister les options et leur appliquer les fameuses colonnes « avantages/inconvénients » permet de vider les idées en confrontation intérieure, et de les objectiver sur papier. Cependant, cet exercice est souvent insuffisant.
Un jour, à la suite d’incidents survenus alors que j’étais en coopération faisant office de service national, un fonctionnaire du ministère venu en Tunisie m’a dit : « Je repars pour la France dans 2 heures. C’est le temps que vous avez pour vous décider : soit vous continuer une année de plus en Tunisie dans ce rôle blablabla, soit je vous démobilise dès aujourd’hui avec anticipation ». Le tableau avantages/inconvénients que j’ai tracé dans un bistro de Tunis ne donnait pas d’orientation claire. J’ai alors fait ce que je recommande souvent à mes clients, et ce dont je me sert souvent. Je me suis dit : « qu’est-ce que je ressens ? » C’est ainsi que j’ai pris ma décision, que je n’ai jamais regrettée.
L’outil du « ressenti » peut paraitre ésotérique pour les esprits formés à la rationalité, les ingénieurs, les techniciens, les scientifiques. Pourtant, il est hyper puissant, je ne vais pas développer ici.
Avant de conclure, je voudrais rappeler le quatrième accord Toltèque : « Fais toujours de ton mieux ». Le mieux d’aujourd’hui est différent du mieux d’hier ou du mieux de demain. Cet éclairage permet de calmer le jeu quand le leader doit choisir : il le fait avec les ingrédients à disposition, dans les conditions de température et de pression du moment, avec la forme de l’instant. Cette sagesse de comprendre qu’on n’est pas toujours au sommet, relativise les mauvaises décisions et la culpabilité susceptible d’émerger. « J’ai fait de mon mieux » (sous réserve que ce soit vrai !).
Finalement, pour identifier la meilleure option, je suggère de retenir :
1 – qu’il n’y a pas de meilleure option, il y a un risque dans tout arbitrage
2 – que confronté à ce qu’on croit être une alternative, il est utile d’ouvrir le champ de réflexion pour élargir les combinaisons possibles
3 – que sortir de la dimension purement rationnelle en invitant le ressenti, redonne une partie du pouvoir à l’intuition qui est souvent une puissante alliée
4 – que le moment de la décision joue un rôle prépondérant dans la décision elle-même, et qu’une sage posture peut être simplement d’attendre avant de décider
5 – que l’intervention d’un ou plusieurs autres humains (coaching) permet d’extirper le débat intérieur de sa dimension obsédante et limitante, pour la sublimer
Bref, la meilleure option est celle qui est sortie du monde mental pour être travaillée dans le monde réel, puis engagée avec sa part d’incertitudes.
Comment cela fait-il résonner vos cordes intérieures et raisonner vos certitudes ?
Pour aller plus loin, lisez : comment prendre une décision difficile ?
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