La pensée positive, l’optimisme systématique, l’intuition sont-ils la solution ?
« Quand ils sont de bonne humeur, les gens deviennent plus intuitifs et plus créatifs, mais aussi moins vigilants et plus prompts à commettre des erreurs logiques » (page 109) : cela parait frappé du bon sens…
Pourtant, on ne compte plus les encouragements à la « pensée positive », les injonctions à la « bonne humeur ». Certains en ont fait leur fonds de commerce. Ce commerce marche d’autant bien qu’il fragilise la pensée contradictoire.
C’est comme cela que j’interprète la phrase ci-dessus extraite du livre « Système 1, Système 2 » de Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie). Truffé d’expériences insolites, cette étude montre à quel point nous pouvons être facilement trompés.
Je n’ai pas fini la lecture, mais déjà, je suis tombé dans quelques pièges, encouragé par mon intuition (pour faire simple le capitaine de mon Système 1) et paresseux d’utiliser mon raisonnement (qui dirige mon Système 2).
Le culte de la « bonne humeur » fait croire que tout peut être résolu parce qu’on se sent bien, positif, optimiste. Or, dans toute entreprise, la vigilance et le discernement servent la sécurité, la vérité, la justice. Il s’agit alors de faire travailler le « système 2 », c’est-à-dire prendre le temps de la réflexion, vérifier les sources, calculer.
Si vous embauchez un gai luron qui enthousiasmera les troupes et les clients, assurez-vous d’embaucher un grognon qui fera les analyses de risques et posera les questions qui dérangent. Donnez lui aussi un bon salaire (il vous fait économiser beaucoup d’argent).
Point n’est question d’exclure « l’intuition », qui d’ailleurs s’affine avec l’âge, la multiplication des expériences, l’habitude de prendre du recul. Le Système 1 me protège quand il s’agit d’arrêter soudainement ma marche alors qu’un pot de fleur tombe du balcon, mais il est abusé par des stratagèmes aussi ridicules que la police de caractère (et oui), la répétition d’un mensonge (coucou Donald T), les associations d’idées (exemple : immigrants, profiteurs, pauvreté).
Je l’ai écrit plus haut, l’auteur du livre, s’appuyant sur des dizaines d’années d’expérimentations, démontre que le Système 1 agit à notre insu quand le Système 2 est paresseux (adepte de la loi du moindre effort).
Je suis convaincu que le « discernement »
est l’un des plus grands défis de notre époque.
Nous sommes en permanence saturés de tout et devons arbitrer (acheter, voter, recruter, féliciter, punir, etc.). Comment aller vers plus de justesse dans nos décisions si nous tombons dans la facilité des conclusions, si nous n’avons pas conscience que deux Systèmes sont à l’oeuvre entre nos synapses, si nous oublions de les faire dialoguer ?
Enfin, pour en revenir au titre de cet article « les limites de la pensée positive », je voudrais partager une expérience de vie qui illustre le propos. Il y a quelques années, j’ai été invité à participer à une grand’messe de la pensée positive dans un modèle de marketing de réseau : ceux qui réussissent défilaient sur scène, la musique enthousiasmante stimulait les émotions, les discours positifs succédaient aux promesses extravagantes. Mon « système 1 », pourtant en forte résistance, a pris l’ascendant sur mon « système 2 », j’ai démarré de zéro un métier qui m’a amené à la ruine financière totale. Pourtant, j’étais consciencieux sur les exercices proposés de « pensée positive », être de bonne humeur.
La vie et notre fonctionnement intérieur sont probablement plus complexes que les tambouilles de prêt-à-penser qu’il faudrait digérer sans prendre de recul.
Empruntez le livre à la bibliothèque de votre quartier, il se lit facilement et se joue régulièrement de vous…
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