Parmi les actions de management, que penser du « contrôle des collaborateurs » ?
Laissez-moi vous raconter une histoire…
L’entretien se termine. Le patron de la business division m’a présenté « un job pour toi » selon ses propres mots.
Il m’a baratiné presque sans interruption pendant 30 minutes, sans prendre le pouls de mon ressenti ou de ma motivation.
Je lui demande : « Pourquoi penses-tu que je suis adapté à ce projet ? »
Sa réponse me stupéfait : « Je sais qu’avec toi, je n’aurai pas besoin de vérifier dans un tableau excel, la cellule de la ligne 12, colonne 7 ».
Intérieurement, je ressens tout le contraire.
En fait, je pense qu’il a l’intention de me contrôler.
« Contrôle des collaborateurs », c’est dans cette case-là de managers que je le range.
Je vous dis en fin d’article quelle réponse je lui ai faite.
Quand on est le leader, quelle importance faut-il donner au contrôle des collaborateurs, quelle énergie faut-il y consacrer, quelles tactiques peut-on employer ? Est-ce naïf de dire « je ne contrôle pas mes collaborateurs » ? Comment faire pour rendre l’action efficace si on ne les contrôle pas ?
Le mot « contrôle » évoque quoi pour vous ?
A titre personnel, quand on me parle de contrôle, j’ai un personnage qui prend vie dans ma tête : képi, regard suspicieux, éventuellement flingue à la ceinture. « Vos papiers siouplait ! »
Quand je suis contrôlé, je me sens sous l’emprise dune autorité suspicieuse qui me demande des comptes.
Est-ce bien la posture juste du management moderne ?
« Je suis là pour te contrôler, tremble donc misérable » est un outil classique du management par la terreur.
Sincèrement, qui aime se sentir contrôlé ? Nous sommes entre nous dans cet article : en toute honnêteté, aimez-vous ça ?
Est-il possible de substituer par « je viens t’aider » l’acte de management de « je viens te contrôler » ?
Passer du « contrôle des collaborateurs » à « vérifier la justesse du processus »
Je ne joue pas sur les mots. Le collaborateur n’est pas un suspect (relire je t’aime, tu n’es pas suspect).
En revanche, il peut ne pas être à sa place, ne pas savoir comment s’y prendre, manquer de ressources ou de formation.
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- La place, il est important de l’évaluer sous l’angle de l’alignement aux valeurs de l’entreprise et de l’atteinte des résultats (le mot important est « et »).
- La méthode, c’est dans ce domaine que le collaborateur peut s’inspirer de l’expérience du boss
- Les ressources et la formation, il s’agit d’un ajustement permanent à faire, fruit d’une saine négociation entre le boss et chaque membre de son équipe
Si contrôle il y a, ce n’est pas du collaborateur qu’il s’agit, mais du résultat de son travail.
La production est-elle juste, pertinente, conforme à l’objectif ? Quand j’étais manager, j’ai souvent remarqué, bonnes surprises, des productions supérieures à l’objectif fixé. Cela nourrissait ma croyance que l’immense majorité des gens veulent montrer qu’ils sont efficaces, utiles, intelligents.
Pour ce qui concerne les productions inférieures aux attentes, il est nécessaire de se poser plusieurs questions : mes instructions de délégation sont-elles suffisamment claires, précises, datées ? Le délai accordé pour l’exécution de la mission est-il juste ? La personne choisie pour la délégation est-elle la meilleure en terme de compétences, disponibilités, motivations ?
Si le travail n’est pas fait correctement, il est temps de se pencher avec le collaborateur, sur la correction du problème identifié, en gardant en tête qu’il a le droit à l’erreur. Il s’agit d’être centré sur les causes qui sont souvent dans les méthodes et processus utilisés, davantage que la bonne volonté de la personne en charge. Il convient de prolonger la séance de travail, se mettre en posture de coach pour sortir de la relation inefficace d’accusateur-accusé.
Tactiquement, il est toujours possible pour un manager de s’inviter à une réunion ou à un rendez-vous client pour observer son collaborateur dans l’action et lui faire un retour en différé. C’est un outil de management très efficace.
La réussite de la mise en oeuvre d’une délégation est une responsabilité partagée entre le manager et son équipier !
Que faire des tricheurs, fraudeurs, fainéants, menteurs, malhonnêtes, incompétents ?
Ce sont des spécimens plus rares que l’on pense qui ont une influence néfaste.
Il existe des quantités d’indices qui signalent un oiseau perturbateur :
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- « on » en parle, il est précédé par sa réputation…
- coriace, personne n’ose vraiment l’attaquer car son château fort est bien défendu…
- dans ses propos, c’est la faute des autres puisque son entourage est composé de tricheurs, fraudeurs, fainéants, menteurs, malhonnêtes, incompétents…
Quand le spécimen saboteur est repéré, c’est le moment pour le manager de :
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- mener l’enquête pour nourrir ou pas les soupçons
- conduire un ou plusieurs entretiens de recadrage
- passer à l’étape suivante (« désolé on en reste là« ) si l’enquête puis les recadrages s’avèrent inefficaces
En réalité, la plupart des êtres humains savent se contrôler eux-mêmes
Chacun détient des capacités créatives souvent étouffées (j’y crois, j’y crois).
Tant de capacités sont oubliées ou sous contraintes. Pour le manager, l’enjeu est de déceler les capacités singulières du collaborateur (si celui-ci est un manager commercial moyen, peut-être est-il un fin négociateur pour les grands comptes) et qu’elles soient mises au service de l’entreprise avec autonomie et auto-évaluation.
Et… le génie a besoin de méthode. Avec un collaborateur, il est nécessaire d’investir du temps sur le sens de son action et de l’aider à développer des méthodes de travail efficaces et justes. C’est le rôle du boss pour qui de nombreuses choses sont devenues évidentes – c’est pour ça qu’il est le chef (relire l’article c’est facile pour moi, c’est une grande compétence).
Sil le collaborateur est simplement en difficulté passagère, c’est le moment d’investir du temps avec lui : relire comment aider un collaborateur en difficulté.
Une fois sur le bon chemin, l’immense majorité des humains n’a qu’une envie :
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- faire de son mieux
- sans besoin d’être contrôlé
- en rendant compte compte naturellement des succès et des difficultés
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A propos de sens, la fameuse allégorie des 3 ouvriers
Le sage interroge un premier ouvrier :
– Que fais-tu ?
Celui-ci répond, l’air grognon :
– Je pose des briques les unes sur les autres…
Le sage se tourne alors vers le 2ème ouvrier :
– Et toi que fais-tu ?
Avec une pointe de fierté, celui-ci répond :
– Moi, je construis un mur…
Enfin, la question est posée au 3ème compagnon :
– Et toi ?
La voix inspirée et les poils qui se dressent sur les bras, ce dernier répond :
– Moi, je bâtis une cathédrale…
A votre avis, quelle est la qualité du travail des 3 ouvriers ?
Retour au sens de l’action, à l’indication que chaque tâche élémentaire se rattache au grand projet de l’entreprise : quel devient le besoin de « contrôle des collaborateurs » si le faire confiance est premier devant la tâche pénible de contrôler.
Pourquoi je n’ai pas pris le job proposé ?
Pour l’anecdote, j’ai décliné la proposition de job du patron de la business division dont je parlais en début d’article.
J’avais bien des raisons :
- sa vision me paraissait fort peu enthousiasmante
- en dépit de son discours, il me paraissait très contrôlant
- comme boss, il ne me faisait pas envie
Bref, si vous êtes manager et que vous souhaitez vous entourer de talents, pensez que votre priorité est de les aider à grandir, à devenir meilleurs (y compris dans un reporting proactif qui vous évitera tout contrôle), en vous rappelant que vos collaborateurs seront d’autant meilleurs qu’ils peuvent déployer leurs talents à la bonne place.
Et vous, contrôlez-vous vos collaborateurs ?
Parlez-en dans les commentaires ci-dessous ou parlons-en en tête-à-tête…
C’est amusant de voir que le mot « contrôle » est un mot d’origine médiévale qui désignait la copie d’un document que partageaient deux personnes. À une époque où l’écrit était essentiel (pas encore de copier-coller), il n’était pas question de suspicion, mais de survie et de confiance réciproque…
En ce moment, je orme beaucoup de chauffeurs livreurs, au sein de leurs entreprises, c’est fou comme le cathédrale est une vision passionnante pour tous.
Bel article Laurent.
Merci.
Je réagirai une prochaine fois au contrôle si vous le voulez bien.
Donner du sens à toutes les tâches, les relier à quelque chose de plus grand que nous… c’est une clé de la motivation.
Merci du commentaire.
Laurent