Le contrôle des collaborateurs est l’une des nombreuses préoccupations des managers. Laissez-moi vous raconter une histoire…
L’entretien se termine. Le patron de la business division m’a présenté « un job pour moi ».
Je lui demande alors : « Pourquoi penses-tu que je suis adapté à ce projet ? »
Sa réponse me stupéfait : « Je sais qu’avec toi, je n’aurai pas besoin de vérifier dans un tableau excel, la cellule de la ligne 12, colonne 7 ». Intérieurement, je ressens le contraire. Je crois qu’il a l’intention de me contrôler. « Contrôle ses collaborateurs », c’est dans cette case-là de managers que je le range. Alerte rouge.
Quelle est la place du contrôle des collaborateurs ? Est-il possible d’être manager et dire « je ne contrôle pas mes collaborateurs » ? Est-ce un propos naïf ? Comment faire pour rendre l’action des collaborateurs efficaces si on ne les contrôle pas ?
Dites-moi : qu’est-ce que le mot « contrôle » évoque pour vous ?
A titre personnel, j’ai tout de suite l’image en tête d’un personnage avec képi, regard suspicieux, éventuellement flingue à la ceinture. « Vos papiers siouplait ! »
Quand je suis contrôlé, je ressens le poids de l’autorité suspicieuse voire accusatrice qui me demande des comptes. Est-ce bien l’image que le manager souhaite donner à ses collaborateurs ?
« Je suis là pour te contrôler, tremble donc misérable.» C’est la base du management par la terreur.
Franchement, aimez-vous qu’on vous contrôle ou préférez-vous qu’on vous aide ?
L’enjeu est-il le « contrôle des collaborateurs » ou de « vérifier la justesse de leur travail » ?
Je ne joue pas sur les mots. Pour moi, le collaborateur n’est pas suspect. Je l’ai écrit dans l’article je t’aime, tu n’es pas suspect…
Si contrôle il y a, ce n’est pas du collaborateur qu’il s’agit, mais du résultat de son travail. La production est-elle juste, pertinente, conforme à l’objectif ? J’ai souvent remarqué, bonnes surprises, des productions supérieures à l’objectif fixé. Pourquoi ? Parce que l’immense majorité des gens veulent faire au mieux, montrer qu’ils sont efficaces, utiles, intelligents.
J’ai aussi vu des productions inférieures aux attentes : il est alors nécessaire de se poser plusieurs questions : mes instructions de délégation étaient-elles suffisamment claires, précises ? Le délai accordé pour l’exécution de la mission était-il correctement ajusté ? La personne choisie pour la délégation était-elle la meilleure en terme de compétences, disponibilités, motivations ?
Si le travail n’est pas fait correctement, je peux me pencher, avec mon collaborateur, sur la correction du problème identifié, en gardant en tête qu’il a le droit à l’erreur. Si je suis centré sur vérifier la justesse de la production et du processus, non sur la personne, je vais prolonger la séance de travail avec lui et sortir de la posture « accusateur-accusé ».
Les responsabilités de la réussite dans la mise en oeuvre d’une délégation sont partagées entre le manager et son équipier !
Oui mais, cher Laurent, que fais-tu des tricheurs, fraudeurs, fainéants, menteurs, malhonnêtes, incompétents ?
Ce sont des spécimens plus rares que l’on pense, même s’ils ont une influence néfaste sur leur environnement. Quelquefois, le spécimen rare fait croire au manager que toute l’escadrille est composée de tricheurs, fraudeurs, fainéants, menteurs, malhonnêtes, incompétents. C’est déjà un indice de sa propre fatuité.
N’existe-t-il pas des quantités d’indicateurs pour détecter l’oiseau perturbateur ? Bien sur que si ! Tout le monde le sait, c’est l’éléphant dans la pièce dont personne n’ose parler.
Alors, quand le spécimen saboteur est repéré, c’est le moment pour le manager de conduire un ou plusieurs entretiens de recadrage. Le recadrage est un autre outil de management nécessaire.
En réalité, la plupart des êtres humains sont tout à fait en mesure de se contrôler eux-mêmes
Chacun détient des capacités créatives qui vont bien au delà de l’entendement habituel.
Souvent ces capacités sont oubliées ou sous contraintes. L’enjeu du manager est de les déceler et les mettre au service du développement de l’autonomie, de l’auto-évaluation, pour élever le niveau de qualité produite. La créativité n’est pas réservée au monde artistique. Elle est partout.
En même temps, le génie a besoin de méthode. Quand je travaille avec un collaborateur, il est utile de revenir en permanence sur le sens de son action (voir ci-dessous), mais aussi de l’aider à développer ses méthodes de travail pour qu’il devienne plus efficace, pertinent, juste, auto-évaluateur. Je peux l’aider puisque je suis devenu manager et des tas de choses sont devenues faciles pour moi. S’il est en difficulté, c’est le moment d’investir (comment aider un collaborateur en difficulté).
Une fois sur le bon chemin, l’immense majorité des travailleurs font de leur mieux, n’ont pas besoin d’être contrôlé, et rendent compte naturellement de leurs difficultés.
A propos de sens, vous connaissez probablement l’allégorie des 3 ouvriers :
Le sage interroge un premier ouvrier :
– Que fais-tu ?
Celui-ci répond, l’air grognon :
– Je pose des briques les unes sur les autres…
Le sage se tourne alors vers le 2ème ouvrier :
– Et toi que fais-tu ?
Avec une pointe de fierté, celui-ci répond :
– Moi, je construis un mur…
Enfin, la question est posée au 3ème compagnon :
– Et toi ?
La voix inspirée et les poils qui se dressent sur les bras, ce dernier répond :
– Moi, je bâtis une cathédrale…
A votre avis, quelle est la qualité du travail des 3 ouvriers ?
En partageant le sens de l’action, en montrant que chaque tâche élémentaire se rattache au sens global de l’entreprise, quel besoin est-il de « contrôler des collaborateurs » ? Faire confiance plutôt que contrôler, c’est l’idée. Cela impose un travail préparatoire de qualité dans la délégation.
Pour l’anecdote, je n’ai pas accepté la proposition de job du patron de la business division dont je parlais en début d’article pour deux raisons :
- sa vision, le sens de son action me paraissaient fort peu enthousiasmants (où était la cathédrale à construire dans son discours ?)
- les indices qu’il m’avait donnés me faisaient penser qu’il allait de facto tenter de me contrôler
Et vous, contrôlez-vous vos collaborateurs ?
Parlez-en dans les commentaires ci-dessous ou parlons-en en tête-à-tête…
C’est amusant de voir que le mot “contrôle” est un mot d’origine médiévale qui désignait la copie d’un document que partageaient deux personnes. À une époque où l’écrit était essentiel (pas encore de copier-coller), il n’était pas question de suspicion, mais de survie et de confiance réciproque…
En ce moment, je orme beaucoup de chauffeurs livreurs, au sein de leurs entreprises, c’est fou comme le cathédrale est une vision passionnante pour tous.
Bel article Laurent.
Merci.
Je réagirai une prochaine fois au contrôle si vous le voulez bien.
Donner du sens à toutes les tâches, les relier à quelque chose de plus grand que nous… c’est une clé de la motivation.
Merci du commentaire.
Laurent