Savez-vous négocier avec votre chef ? Vous a-t-on enseigné la discipline ? Vous a-t-on formaté à faire ce qu’on vous dit ? Vous a-t-on préparé à respecter toutes les consignes et… à la boucler ?
Vous pouvez écouter cet article en podcast :
C’est probable puisque notre système d’éducation pousse à “rentrer dans la norme” – la norme étant d’éviter les vagues. Ca vous parle ? Pourtant, vous devez négocier avec votre chef (je ne parle pas que de la négociation de salaire). Le propos est-il subversif ? Non ! Vous devez apprendre à négocier avec votre chef, c’est capital pour vous (c’est une manière de vous faire respecter, voire d’éviter parfois le harcèlement moral), et c’est capital pour le business !
Je vous donne 3 raisons majeures pour négocier avec votre chef, que vous soyez manager ou pas…
1 – Votre chef n’a pas toujours raison et a besoin de votre avis
Ce sont les films de guerre qui nous ont mis en tête le fameux “chef oui chef” hurlé par le troufion à son caporal. Savez vous que dans les années 90 du siècle dernier, les armées ont fait une grande découverte : les soldats sont des humains et ont un cerveau ! Depuis, chaque soldat des armées modernes est entouré d’une batterie de protection (drones, avions, snipers, etc…), d’une batterie de moyens de communication pour qu’il puisse dire ce qu’il voit, ce qu’il vit sur le terrain. Le “chef oui chef” se serait-il transformé en “chef, j’ai quelque chose à dire pour l’intérêt général ?”
C’est je crois Steve Jobs, le créateur d’Apple, qui disait : “on n’embauche pas des collaborateurs pour leur apprendre ce qu’ils doivent faire, on embauche des collaborateurs pour qu’ils nous disent ce qu’on doit faire !”
Certes, du haut de la passerelle du dessus dans un paquebot, on a une vue plus large : votre chef a un point de vue qui prend en compte des informations que vous n’avez pas. Il peut parfois prendre des décisions que vous ne comprenez pas car vous ne détenez pas toutes les données de l’équation. Cependant, il a besoin de votre avis, il a besoin de ce débat d’idées qui fait progresser le système. Il a besoin que vous négociiez – avec de bons arguments bien sur. Il ne s’agit pas de “contester pour contester”, ce qui ne démontre pas votre intelligence. Il s’agit de préparer la négociation avec des éléments factuels, vrais, essentiels. Il s’agit de parler résultats, risques, opportunités, options, moyens adaptés, délais justes. Il s’agit de parler le langage de la performance durable.
Négocier avec votre chef, c’est important pour lui. Vous allez lui apporter des clés nouvelles pour son propre défi, et vous allez vous en faire un plus solide allié (on respecte ceux qui nous font grandir).
2 – C’est essentiel pour vous, votre vie professionnelle, votre vie personnelle
Le “chef oui chef” est extrêmement destructeur. Il nie votre avis, il nie votre existence en tant que personne ayant une contribution unique à apporter. Car vous avez une contribution unique à apporter : je repense à une récente discussion avec ma mère (plus de 90 ans quand j’ai écrit ce message) qui continue de s’ébahir devant l’unicité de chacun des 7 milliards d’humains qui peuplent notre petite planète.
Vous êtes unique, votre façon d’envisager l’entreprise, le projet, la société, etc… est singulière. Vous devez apporter votre contribution à l’édifice.
Si vous ne le faites pas, les conséquences sont évidentes : frustration, déprime, complexe d’infériorité, perte de motivation, et conséquences probables de ces conséquences si cela dure => déclaration de traumatismes, maladies, burn-out et j’en passe.
Si vous osez sortir de votre zone de confort et négocier avec votre chef, vous allez relever le menton et reprendre de la fierté. Vous allez probablement découvrir que cela vous conduit vers des évolutions professionnelles que vous n’auriez pas suspectées possibles. En effet, croyez-vous que l’on confie des missions stratégiques ou des postes à responsabilités aux “bénis oui oui” ? Oser négocier avec son chef, c’est s’élever au grade de ceux qui veulent changer les choses, quitte à prendre des risques. A l’inverse, ne pas prendre ce risque conduit à un déclin personnel.
Négocier avec votre chef, c’est aussi essentiel pour votre vie personnelle. Quand votre famille, vos amis vous entendent vous plaindre sans cesse de ce patron qui (choisir les bonnes mentions)…
- ne comprend rien
- donne des ordres absurdes
- n’a aucune stratégie
- me complique la vie
- en veut toujours plus
- n’a aucun respect de ses collaborateurs
- est un incapable
- etc…
que ressentez-vous avec cette plainte incessante, et que pense votre entourage ?
Faut-il virer votre chef (c’est parfois la solution, lire l’article “comment virer son chef”, surtout avec le développement de la rupture conventionnelle), mais il est probable que dans le prochain poste, la même situation se reproduise. Prendre son destin en main, c’est aussi prendre le courage de la négociation pour se faire respecter. Vous en sortirez plus fort, plus fier, et probablement plus respecté de tous (au boulot comme dans votre vie personnelle) !
3 – C’est nécessaire pour que le service au client soit de meilleure qualité
On vient de le voir, le chef n’a pas toujours raison. Une entreprise où le débat contradictoire est éteint est une entreprise vouée au déclin. Les clients sont de plus en plus exigeants et tant mieux : cela nous pousse à élever le niveau des prestations. Mais vous savez quoi :
-
- il est très difficile d’évaluer le temps que prend la réalisation d’un projet, surtout s’il est nouveau (même si on a des techniques de planification en intelligence collective) => aucune méthode scientifique ne permet de calculer au poil près la durée exacte des projets complexes – c’est toujours une approximation que l’on tente d’améliorer, il y a un risque d’erreurs, d’imprévus inhérents à toute activité humaine…
-
- il est très difficile d’évaluer le budget exact pour la réalisation d’un projet => aucune méthode scientifique ne permet de calculer au poil près le budget exact des projets complexes – c’est toujours une approximation que l’on tente d’améliorer, il y a un risque d’erreurs, d’imprévus inhérents à toute activité humaine… (tiens je me répète)
- il est très difficile d’évaluer le niveau de qualité optimum dans la réalisation d’un projet => aucune méthode scientifique ne permet de calculer au poil près la qualité idéale des projets complexes – c’est toujours une approximation que l’on tente d’améliorer, il y a un risque d’erreurs, d’imprévus inhérents à toute activité humaine…
Vous l’avez compris : le service client, la mise en place d’un projet sont les fruits du débat, des échanges, du travail sur les options.
Négocier avec votre chef sur les 3 dimensions – le planning (la durée des taches), le budget (les moyens), la qualité (la performance attendue) – est sain et utile pour améliorer le service au client.
Bref si négocier avec votre chef est…
- bon pour lui
- bon pour vous
- bon pour le client
vous devez (j’insiste) apprendre à négocier avec votre chef. C’est un apprentissage bien sur, il est nécessaire de se préparer, voire se former à la négociation.
Jetez-vous sur les commentaires ci-dessous pour braver mon propos subversif (ou le consolider)…
Et si vous vous sentez seul pour négocier, faisons connaissance et parlons-en…
Je partage cet avis.Je pense que c’est très important de négocier avec son chef pour une franche collaboration, pour son épanouissement dans l’environnement professionnel.C’est aussi un source de motivation.Mais que faire si le chef refuse de négocier avec son collaborateur?
Bonjour Toto,
je sais que c’est difficile parfois – j’ai quelques anecdotes sucrées à raconter (j’en parle en webconférence ce prochain jeudi)…
Si “le chef refuse de négocier avec son collaborateur”, c’est au collaborateur de prendre son courage à 2 mains, tactiquement et aussi avec fermeté, pour amener son chef à la négociation. Nous pouvons en discuter : il est capital de ne pas lâcher le morceau et c’est l’intérêt du boss.
J’espère que ça aide…
Merci Laurent pour ce post. A vrai dire, je suis en phase avec l’ensemble de tes arguments. Et l’intelligence d’un manager devrait être de tous les comprendre. En réalité, je n’en connais ou n’en ai croisé que très peu capables de voir un peu plus loin que le bout de leur nez de petit pouvoir de chef, de petit contrôle, ou de petit confort dû à leur position hiérarchique pour voir l’intérêt de cette approche à 360°…
Ceci dit, le “servant leadership” est là pour nous prouver que ça existe, et que c’est possible puisque ça a été théorisé. Autant repérer les entreprises qui le pratiquent en le reconnaissant déjà, donc en l’assumant publiquement. Ca fait une différence avec ceux qui n’ont même pas l’idée qu’ils peuvent faire autrement que le bête lien de subordination 1.0.
A l’autre bout du spectre, et pour rebondir sur la remarque de Toto, certains “chefs” dans la lignée des abrutis incompétents et 1ers de la classe du principe de Peter en général, sont des destructeurs dangereux dans l’abus de leurs pouvoirs, et prennent du plaisir à harceler jusqu’au bout des collaborateurs trop zélés dans leur résistance à leur autorité. Je parle malheureusement en connaissance de cause. Là, c’est le burnout qui guette, et la 1ère des choses à faire c’est de se protéger, jusqu’à porter plainte en interne lorsque c’est possible ou remettre sa présence même dans l’entreprise dans la balance des “négociations”. Ce management “toxique” existe encore, et malheureusement, ça fait beaucoup de dégâts.
Je ne sais pas si tu as déjà parlé de ce phénomène, mais je ne souhaite à personne d’être confronté à ce lavage de cerveau sur sa soi-disant incompétence face à un incompétent qui a juste le droit hiérarchique de vous broyer.
Là, c’est devant les prudhommes, avec les syndicats et en foutant un maximum de bordel partout où c’est possible, qu’il faut aller négocier. Car face à l’irrationnel de certaines situations, le rationnel ne marche juste plus.
Voilà de quoi ouvrir un peu le débat. Pour paraphraser ce cher Desproges, je dirais : “on peut négocier n’importe quoi, n’importe quand, mais pas avec n’importe qui…”
Le management toxique est un mal dont les impacts devraient être connus de tous.
Puisque j’accompagne des professionnels de qualité, qui pour certains ont dépensé leur énergie jusqu’au burn-out, j’ai quelques épisodes lamentables à raconter.
Dans de telles circonstances, je te rejoins, la justice doit s’en mêler et la compensation financière doit être à la hauteur du préjudice. Ce sont des vies qui peuvent être bouleversées par la médiocrité.
Il est parfois difficile de comprendre pourquoi tant d’yeux se détournent dans une une complaisance coupable…