J’interviens sur le sujet « gestion de projet et agilité » lors d’une table ronde en ligne (après mon intervention sur le télétravail). Cet évènement est organisé pour une population d’écrivains techniques. Que signifie « projet » ? Quel est l’apport de l’agilité ? Comment marier gestion de projet et agilité ? Quels sont les points de vigilance communs à la gestion de projet et l’agilité ?
Dans la vidéo, je raconte comment j’ai mis le comité de direction en face de ses responsabilités de gouvernance (fin 1998, un autre siècle) ! A la tête d’une vaillante équipe de 3 personnes, je devais régler le fameux problème du bogue de l’an 2000 pour une entreprise de 14 usines, 2000 fournisseurs, 500 produits. Nous devions piloter près de 30 000 projets de tests en quelques mois. Je suis sorti de la réunion de direction avec l’accord pour passer de 3 collaborateurs à une équipe de 20 personnes à plein temps ! Les décisions doivent être prises, et prises au bon endroit. Le chef de projet ne peut pas tout résoudre.
L’agilité change-t-elle quelque chose à la nécessité de juste gouvernance ?
Gestion de projet et agilité, définitions
Il est toujours utile de rappeler la définition d’un projet. Le mot est utilisé dans le langage du quotidien mais en entreprise, cela correspond à une situation bien précise. Un projet, c’est :
- un objectif à atteindre
- dans un délai déterminé
- avec une équipe spécifique (dédiée ou transversale)
- dans un budget défini
- avec une série d’enjeux et de risques
- avec un client (interne ou externe)
Un projet n’est pas une idée. C’est un passage à l’action après que la décision « go » ait été prise.
Qu’apporte l’agilité ? C’est un principe de développement astucieux et dynamique qui consiste en une revue et une validation permanentes avec le client. Autrefois, on développait un produit pendant des mois, puis on livrait selon les spécifications initiales au client. Là, on s’apercevait que le client voulait un produit rose… et on lui avait livré un produit bleu ! Aïe ouille… La validation permanente permet d’ajuster que le projet va dans la direction attendue par le client. Vigilance : agilité n’autorise pas à changer de direction tous les matins, ce qui ramène à la nécessité de bonne gouvernance… Une changement de direction s’appelle un avenant qui doit être renégocié.
Dans l’agilité, on parle de Sprint (course rapide), un cycle de 1 ou 2 semaines, parfois plus, pendant lequel on prépare une livraison au client (résolution de bogues ou de défauts, ou nouvelles fonctionnalités). Le mot Scrum (le mot désigne en anglais la mêlée au rugby) désigne cette réunion d’ajustement quasi quotidienne de l’équipe de développement, censée aligner tout le monde, censée aider chaque membre de l’équipe sur ses difficultés/incompréhensions/défis.
3 points de vigilance
1 – Tout le monde ne peut pas être chef de projet
Viendrait-il à l’esprit de quelqu’un de devenir avocat, boulanger ou prof de gym sans suivre une formation ? C’est pourtant ce qui arrive à de nombreux chefs de projet. Il est courant de voir un bon expert promu chef de projet. C’est souvent une grossière erreur car « l’expert » se plait dans l’approfondissement d’un sujet alors que le chef de projet doit permettre la valorisation du travail de chacun, la production commune vers l’objectif.
A l’autre extrême des croyances déplacées, j’ai pu observer dans une réunion en haut d’une tour de la lointaine Australie, un chef de projet qui pensait, l’attitude suffisante, que son rôle consistait à donner des ordres. Son comportement péremptoire était à l’opposé de la démarche efficace.
La priorité du métier de chef de projet est de concentrer son attention sur la coordination, l’animation, l’intelligence collective, le reporting. Le bon sens est au coeur de son action. Please KISS (Keept It Simple and Short). Comment choisit-on le chef de projet ? Pourquoi accepte-t-on de devenir chef de projet ? That is the question…
2 – Les outils ne font pas le métier
Il me souvient une réunion de revue de projet où était à l’écran un planning Gantt. J’interrogeai le chef de projet : « ce planning correspond-il à ce que fait au quotidien ton équipe projet ? » A ma grande surprise, avec désinvolture, il me répondit : « non mais on m’a demandé de faire un planning sous cette forme ». Cela peut paraitre ridicule ! Pourtant, c’est au chef de projet de choisir les outils adéquats. Dans l’épais classeur du Project Management Institute, il ne s’agit pas de prendre toutes les clés à pipe, les marteaux, les tournevis, les limes et les scies à métaux en même temps. Il s’agit de choisir, avec intelligence, les outils utiles pour les spécificités de ce projet là. Dans le projet « bogue de l’an 2000 » évoqué plus haut, je n’avais pas de planning. J’ai fait travailler toute l’équipe sur des jalons. De même, j’ai pu observer le « body language » de réunions Scrum dans une startup que j’ai accompagnée à Montréal : les participants étaient figés, écoutaient le Scrum Master avec l’attitude physique de l’ennui. Le Scrum Master savait-il utiliser son outil d’animation ?
Dans l’immense littérature sur la gestion de projet et l’agilité, si les outils sont, à juste titre, abondamment documentés, il convient de rappeler que les outils ne transforment pas l’ouvrier en un professionnel efficace. Mettre en relation avec l’intelligence collective, apporter des méthodes, réussir à impliquer tout le monde y compris le top management, voilà le coeur de l’action du chef de projet.
3 – La bonne gouvernance est un facteur clé de succès majeur
Je parle de gouvernance projet dans plusieurs articles : pourquoi créer un comité de pilotage, trouver un sponsor donnent-ils une meilleure garantie de succès du projet ? Si ces entités n’existent pas, j’encourage le chef de projet à les créer !
Dans l’extrait ci-contre de la conférence en ligne « 7 clés pour réussir votre comité de pilotage projet« , je rappelle quelques notions fondamentales pour une saine gouvernance de projet. Je le rappelle car l’importance du juste exercice du pouvoir reste davantage une théorie décrite dans les bonnes formations qu’une solide réalité de terrain. Si ça tourne mal, il est tellement facile de prendre le chef de projet comme bouc émissaire, alors qu’il s’agit peut-être d’un grave problème de gouvernance… |
Gestion de projet et agilité, revenir aux fondamentaux
Dans un projet en méthode Agile que j’ai repris à Montréal dont le client était une grande banque Australienne, j’ai trouvé cette situation : chaque jour, un ingénieur envoyait au client un tableau d’avancement sur Excel. Le client répondait avec ses commentaires et corrections dans un grand foutoir de tableaux. La grande banque refusait de mettre en place des outils partagés sur le web pour des raisons de sécurité. Rapidement, j’ai mis en place :
Quand on parle gestion de projet et agilité, on a parfois le sentiment que les nouvelles méthodes sont à elles seules les solutions. C’est oublier que ce sont des humains qui ont la charge de mettre intelligemment des méthodes en musique.
Conserver l’essence de ces méthodes, n’est-il pas ?
- avec l’agilité, impliquer dans un esprit de coopération le client dans un processus de validation régulier (en restant attentif à ne pas mélanger ajustements/corrections et nouvelles fonctionnalités qui demandent nouvelle négociation)
- avec le métier de management de projet, retenir qu’il s’agit davantage d’une position de chef d’orchestre que celle d’un expert ou d’un donneur d’ordre
Racontez vos expériences en commentaires ci-dessous…
Pour aller plus loin, quelques outils en lignes
0 commentaires