Le leadership responsable est-ce une priorité absolue ?

par | Débats, Décider, Entrepreneur, Leadership

Comment se fait-il que l’immense majorité des beaux cerveaux de la planète travaillent encore dans le business as usual ? Comment se fait-il que la catastrophe annoncée sur la biodiversité, le dérèglement climatique qui s’accélère, la condition déplorable des femmes dans encore trop d’endroits, les stupides et démesurées dépenses militaires, la pauvreté et les inégalités criantes, la maltraitance animale n’empêchent pas les leaders de dormir ? Comment se fait-il qu’ils regardent en priorité les résultats financiers du trimestre, le cours de l’action, les perspectives juste économiques ? Pourquoi les autres indicateurs sont-ils négligés ?

Depuis peu, j’ose afficher ce qui me fait vraiment vibrer : le leadership responsable, priorité absolue.

 

Nos leaders s’élèvent-ils parfois à 10 000 km au dessus de la terre pour bien considérer leurs décisions (pas seulement “helicopter view” comme le veut l’expression consacrée, mais plutôt à hauteur de satellite) ? Nos leaders ont-ils des enfants ? Se sont-ils promenés dans des quartiers défavorisés ? Regardent-ils les fossés plein de plastique au bord des routes ? Réfléchissent-ils au sens et à l’utilité de leur business ? Mobilisent-ils leurs équipes autour de la cupidité et du pouvoir, ou autour d’une contribution qui enrichit l’humain plus que leur volatile portefeuille ? Nos leaders réfléchissent-ils à 2 fois avant de prendre les décisions sages et durables ? Le temps, l’urgence les empêche, pourquoi ?

 

Comment changer le monde ? Impossible défi !  Comment s’éveiller à la transformation de nos priorités ? J’ai proposé dans la vidéo « comment prendre une décision difficile ? » de convoquer une arrière grand mère et un arrière grand père (sans doute ad patres) et un arrière petit-fils et une arrière petite fille (sans doute encore dans les limbes du futur) pour solliciter leur avis avant de prendre une décision difficile : la sagesse et la dimension durable pour nous souffler la bonne décision à prendre.

Et si nous convoquions ces conseillers du passé et du futur non seulement pour nos grandes mais aussi nos petites décisions :

  • refuser d’acheter une bouteille d’eau en plastique…
  • refuser de virer du personnel pour faire plaisir aux actionnaires, mais plutôt repenser ensemble les opportunités et la répartition des rôles et responsabilités…
  • de temps en temps, remplir un récipient de tous les déchets de la rue autour de chez soi…
  • marcher plutôt que prendre la voiture quand on habite en grande ville (vendre la voiture et louer quand c’est nécessaire – c’est économiquement rentable)…
  • verser son obole à une association qui récolte des compensations carbone pour les voyages en avion…
  • manger local, bio, fruits et légumes de saison…
  • etc, etc

 

Il ne manque pas de possibles pour repenser son quotidien de manière plus responsable.

Qu’est-ce qui empêche vraiment ? Le conditionnement de la vie, une paire de siècles de pensée unique autour de la croissance : plus de choses, plus d’objets, plus de nourriture, plus de chiffre d’affaires, plus de bénéfices, plus, plus, plus… “Plus” pourquoi ? Pourquoi “plus” plutôt que “mieux” ? Faire de l’argent ? Plus d’argent ? Pourquoi ? Enrichir des actionnaires ? Ah quoi bon ? Je parle ici des actionnaires que la fortune met à l’abri pour les 1000 prochaines années (ha zut, ils seront morts), pas les “petits” entrepreneurs qui consacrent leurs économies pour créer de la valeur, au risque de tout perdre.

Quand je propose un désert-coaching, cette marche initiatique dans les dunes, c’est l’un de mes arguments. Certes, il y a un prix, un investissement qui ne restera pas, comme toutes ces choses accumulées, dans votre armoire. Je suis sur, en revanche, que l’expérience restera gravée à jamais dans votre histoire de vie : c’est ma vision du mieux plutôt que le plus.

L’actionnariat est bon quand il est responsable, et pas seulement cupide. Je me souviens ce chairman plaisanter au dîner, en présence de salariés : « mes dividendes, mes dividendes » ! J’avais trouvé ça indécent.

Alors pourquoi accumuler ? Pour transmettre de l’argent à nos enfants ? Est-ce un cadeau ? Seront-ils plus heureux avec des liasses de billets ou plus heureux si leur vie se nourrit de leur vraie expérience ?

Faut-il leur souhaiter d’avoir une vie riche ou d’avoir de l’argent ?

Un jour un entrepreneur à succès (je veux dire riche à millions) m’a dit : “La responsabilité, ça ne fait pas vendre. La responsabilité, ça fait chier tout le monde.” (SIC). La responsabilité ne serait pas un bon concept marketing ? J’ai trouvé le propos consternant et révélateur.

Pour vendre le leadership responsable, faut-il démontrer que c’est rentable ?

Un tableur de 18 lignes et 27 colonnes avec un résultat positif en bas à droite va-t-il réussir à vous convaincre que le leadership responsable est une priorité absolue ? Les mers de plastique sont là, les veaux maltraités sont là, les hangars plein de kalachnikov sont là, les femmes violées (qui n’en parlent pas) sont là, les arsenals nucléaires sont là, les glaciers qui accélèrent leur fonte sont là, les disparitions accélérées des espèces animales et végétales sont là, les employés harcelés sont là, nous continuons dans le business as usual. Au risque de tout perdre (ou plutôt de laisser cette dette à nos petits ou arrière petits-enfants). Que faisons-nous de nos brillants cerveaux ? Que faisons-nous de nos talents ?

Comment démontrer mathématiquement, statistiquement la rentabilité du leadership responsable sur le long terme ? Je ne sais pas. Je crois simplement que le leader responsable…

  • Privilégie le débat plutôt que l’arbitraire ou pire l’autocratie => ses décisions sont-elles plus solides ?
  • Prend le temps de la réflexion plutôt que de décider à l’emporte pièce avec des objectifs court terme => ses décisions sont-elles mieux mûries ?
  • Considère toutes les parties impliquées => ses décisions respectent-elles mieux les équilibres et intérêts multiples, parfois contradictoires ?
  • Démontre le courage de l’arbitrage qui déplaît à la majorité => ses décisions favorisent-elles le sens suprême de l’intérêt général ?
  • Fait montre de bienveillance sans complaisance => en prenant les formes, avec empathie, ses décisions cruciales ne sont-elles pas mieux alignées et solides ?

 

Le leadership responsable, est-ce du baratin de consultant ou est-ce une priorité absolue, une attitude à travailler, un comportement quotidien qui passe par plus d’acuité et d’écoute aux vraies priorités, de l’action à fort levier comme à la micro-décision qui donne l’exemple ?

Comment élever les niveaux de conscience des leaders ?

Et vous, comment injectez-vous la question de la responsabilité au cœur de votre action quotidienne ?

Envie de commenter, de témoigner, de débattre ci-dessous ? Comment stimuler la responsabilité sans passer pour un triste moralisateur ?

Ces sujets peuvent également vous intéresser

L’intelligence collective au secours de la formation…

L’intelligence collective au secours de la formation…

J'ai quitté une formation, tellement je m'ennuyais ! Il est étonnant de constater que 20 ans après la création des outils permettant la projection à l'écran de diapositives, un nombre incalculable de formations reste ennuyeuse à mourir. Comme l'indique le schéma...

Les limites de la pensée positive

Les limites de la pensée positive

La pensée positive, l'optimisme systématique, l'intuition sont-ils la solution ? « Quand ils sont de bonne humeur, les gens deviennent plus intuitifs et plus créatifs, mais aussi moins vigilants et plus prompts à commettre des erreurs logiques » (page 109) : cela...

Ralentissez les embauches d’experts…

Ralentissez les embauches d’experts…

Courte digression sur la pensée d’Edgar Morin… et si vous ralentissiez les embauches d’experts ! Je lis ici et là les articles et commentaires des écrits de ce centenaire à la plume brillante, qui ne cesse de solliciter notre intelligence pour appréhender la...

L’agressivité commerciale, est-ce bien ou mal ?

L’agressivité commerciale, est-ce bien ou mal ?

Lancer un débat moral sur l'agressivité commerciale, est-ce bien raisonnable ? On est tous d'accord, ralbol de l'agressivité commerciale... et pourtant... Quand les frontières se sont rouvertes en 2020, j’ai quitté le Maroc après avoir été bloqué 120 jours....

« Anxieux, rebelle, moralisateur » !

« Anxieux, rebelle, moralisateur » !

« Anxieux, rebelle, moralisateur », ce sont trois mots que m'attribue en commentaires bienveillants l'un de mes lecteurs assidus… Je reviendrai peut-être sur les deux premiers qualificatifs, je voudrais m’arrêter un instant sur le troisième, à la lumière de mon...

L’effondrement du monde est-il forcément un cataclysme ?

L’effondrement du monde est-il forcément un cataclysme ?

Dans son livre « l’emballement du monde » (que je n’ai pas encore fini donc j’anticipe des conclusions, mais là où j’en suis me donne de l’espoir, alors je partage), Victor Court évoque les dislocations d’empires. Ce que j’en comprends : la pensée largement partagée...

Les coaches sont des Jedis

Les coaches sont des Jedis

Pourquoi suis-je convaincu que les coaches sont des Jedis ?   Je suis intervenu pour AceUp, une startup américaine dont la mission est de démocratiser le coaching. J'ai coordonné l'organisation du premier "Summit" à Boston, le rassemblement de quelques dizaines...

Apprendre à négocier avec sa culpabilité…

Apprendre à négocier avec sa culpabilité…

La culpabilité : le verbe « culpabiliser » est entré dans la catégorie des mots interdits. Or, avec la conscience qui monte à propos des impacts de nos actes sur le vivant, les échanges tendus où s’accusent réciproquement les parties sont susceptibles de devenir...

Pourquoi faire de la prévention…

Pourquoi faire de la prévention…

C'est une ritournelle connue : pourquoi faire de la prévention ? Comment éduquer à cette étrange idée qui consiste à investir de l'argent alors qu'il n'y a pas de problème (visible), juste un risque ?   Je rentre chez mon ostéopathe. Elle me demande : "pourquoi...

Je hais Outlook et quelques autres…

Je hais Outlook et quelques autres…

J'écris beaucoup moins qu'autrefois sur mon blog, qui est un magasin sympa dans une rue sombre avec peu de passage (larmes).   J'écris beaucoup plus sur linkedin, avec parfois des statistiques flatteuses qui dépassent les 100 000 vues (ego tout content).  ...

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bonjour, bienvenue sur mon blog

Je m’appelle Laurent de Rauglaudre (je sais, mon nom est imprononçable). Sur ce blog, j’écris des articles sur le leadership, le métier de consultant libre et de coach.

Je batifole à partir de mes expériences, mes lectures, mes succès et mes fausses pistes. Je suis motivé par le leadership responsable.

J’espère que vous trouverez matière à inspiration.

Bonne lecture,

Laurent

Prochains évènements