Comment mettre fin à un contrat de travail, « fire with love » !

par | Emotions, Equipe, Objectifs

Parmi les tâches qui incombent au manager, l’une des pas marrantes est de mettre fin à un contrat de travail. Pour les moins expérimentés, les plus calculateurs et les pas-courageux, l’exercice consiste à envoyer le bébé aux RH pour qu’ils fassent le sale boulot. Pourtant c’est bien au manager de s’occuper de se séparer d’un membre de l’équipe.

Dans cet article, je propose 5 recommandations pour virer avec amour (« fire with love », dans la terminologie outre-Atlantique).

Fire with love

 

Virer quelqu’un avec violence, négligence ou évitement est une faute professionnelle qui devrait être sévèrement punie, ce qui n’est pratiquement jamais le cas. Il n’est nul besoin de mépriser ou maltraiter la personne pour lui signifier son congé. Mettre fin à un contrat de travail est une action parfois nécessaire, à accomplir avec précaution.

Pourquoi ?

  • En premier lieu parce que la personne virée, même si elle s’en doute, va subir un choc. L’exercice ne consiste pas à brutaliser un être humain !
  • En deuxième lieu, parce que ce moment va rester gravé pour les 2 protagonistes, celui qui est licencié bien sur et celui qui décide de se séparer du collaborateur, le manager direct. Ce dernier pourrait se trimbaler avec un sentiment de culpabilité d’avoir été injuste, pas forcément dans la décision, mais dans son exécution.
  • En troisième lieu, parce les gens se parlent, et si vous licenciez avec violence, cela va créer rapidement une ambiance de peur dans l’équipe (ce qui n’est guère favorable à la créativité et à l’engagement, n’est-il pas ?)

Il est tout à fait possible de virer quelqu’un… avec amour, je reviens dans un instant sur 5 recommandations.

 

Mais au fait pourquoi mettre fin à un contrat de travail ? 

 

  • => Parce que les résultats ne sont pas là ? 
  • => Parce que la personne n’a pas les compétences ? 

 

Ce sont là 2 mauvaises raisons ! Oui j’insiste, ce sont 2 mauvaises raisons sauf situation de crise.

En effet, si les résultats ne sont pas là, il est légitime que le manager s’interroge avant de brandir le couperet :

  • Les objectifs étaient-ils atteignables ou démesurés ?
  • Les moyens pour atteindre les objectifs étaient-ils disponibles (y compris le support régulier du manager) ?
  • La personne était-elle à la bonne place ?

 

Il est toujours facile de renvoyer la faute de la non atteinte des objectifs à l’équipier. A vrai dire, pour ceux des lecteurs que le cynisme n’étouffe pas, reprocher à quelqu’un de n’avoir pas atteint les objectifs est un outil facile à manier. J’aime à dire que tout objectif est par nature… subjectif ! 

Qui a fixé les objectifs et pourquoi, comment ont-ils été négocié (ou pas), à quoi servent-ils vraiment : à stimuler, motiver (y compris un collaborateur difficile) ou chercher à sanctionner ?

Revenons aux compétences, autre mauvais choix de critère pour mettre fin à un contrat de travail. Quelques questions viennent rapidement :

  • Le manager a-t-il apporté son soutien pour promouvoir l’acquisition de compétences manquantes du collaborateur ?
  • Le collaborateur est-il disposé et impliqué pour acquérir de nouvelles compétences ?
  • N’y-a-t’il pas une belle panoplie de compétences inconnues et sous-exploitées de l’équipier en question ?

 

Décidément, virer quelqu’un pour résultats non atteints (sauf si c’est systématique ou volontaire) ou pour manque de compétences (sauf s’il y a résistance à en acquérir de nouvelles) ne sont pas de bonnes raisons. En cas de crise majeure, ces 2 raisons deviennent valides car dans la tempête, s’il faut réduire la voilure, il est légitime de conserver les plus compétents qui atteignent régulièrement leurs résultats. Les entreprises ne sont pas en crise permanente.

J’ai le souvenir d’un manager fort brillant qui m’a offert une 3ème nouvelle chance après 2 échecs consécutifs. Dans les 2 premiers postes, je n’étais pas à ma place, j’étais perdu, indécis, inefficace. Dans le 3ème, je me suis épanoui à telle enseigne qu’il m’a accordé 70% d’augmentation de salaire un an plus tard (oui, vous avez bien lu, 70%).

Alors quelle est la première raison qui dicte la décision de mettre fin à un contrat de travail ?

 

L’alignement avec les valeurs d’entreprise !

 

Et oui…

Supposez que vous ayez vraiment fait le travail de clarifier vos 5 valeurs, par exemple : humilité, esprit d’équipe, écoute, responsabilité, confiance. 

Supposez que vous évaluez un collaborateur sur ces valeurs avec un curseur qui va de 1 à 4 pour chacune d’entre elles : 

  1. Note 1 = ne respecte jamais cette valeur, 
  2. Note 2 = respecte parfois cette valeur, 
  3. Note 3 = respecte souvent cette valeur, 
  4. Note 4 = respecte toujours cette valeur. 

 

mettre fin à un contrat de travail

 

Que penser de la place d’un équipier sur le bateau s’il récolte plusieurs fois la note 1 ou 2 ? Que se passera-t-il dans la tempête s’il récolte des 1 ou des 2 à « humilité et/ou esprit d’équipe et/ou écoute et/ou responsabilité et/ou confiance ». Les valeurs, c’est ce qui fera de votre entreprise un vaisseau capable d’affronter la tempête. Ce ne sont pas juste des mots cool pour faire plaisir au service RH/communication. En l’occurence, si c’est le cas (faire plaisir au RH/com), ces mots se retourneront contre vous dans les situations critiques.

Recruter et manager par les valeurs est un outil très puissant. Le préalable est de faire le vrai travail de clarification des valeurs, mettre en place un processus de recrutement et d’évaluation  qui s’en serve pour orienter la discussion d’embauche ou de revue régulière. 

S’il y a problème sur les valeurs, alors arrive le moment de se séparer.

 

5 préconisations qui me paraissent cruciales

pour mettre fin à un contrat de travail

 

1 – S’assurer que c’est la bonne décision

Dans les lignes précédentes, j’ai donné quelques indications pour vérifier que la décision est la bonne. Avant de mettre fin à un contrat de travail, il est utile d’examiner s’il existe une autre option dans l’organisation. Recruter est un processus long, couteux, risqué. 

Si les objectifs ne sont pas atteints, peut-être y a-t-il un travail de clarification sur ce thème tel qu’évoqué plus haut. Il est souvent efficace de donner une nouvelle chance, en prenant soin de passer par le processus de négociation et de véritable appropriation des objectifs par le collaborateur. 

Si la personne manque de certaines compétences, c’est la même histoire : comment l’aider à apprendre l’usage de nouveaux outils ?

 

Virer, c’est la bonne décision pour tout le monde s’il y a distorsion entre les valeurs de l’entreprise et le salarié. Finalement, les deux parties vivent mal la situation, sans peut-être en parler. Alors se séparer en bonne entente est libérateur pour la personne qui va partir mais aussi pour l’équipe à laquelle elle appartient, pour le manager qui a sans doute déjà recardé mais qui ne sait plus comment activer le meilleur de son collaborateur.

S’assurer que c’est la bonne décision (hors situation de crise comme évoqué plus haut), consiste à confirmer que les critères pour un licenciement ou un accord transactionnel sont les bons.

 

2 – Se préparer

Pour mettre fin à un contrat de travail, il va falloir rencontrer et expliquer les raisons qui conduisent à ce verdict. Une préparation soignée est primordiale.

Il s’agit de réunir des faits précis, de rappeler les re cadrages, d’appuyer sur l’explication du dés alignement sur les valeurs. 

Voici une liste de questions de préparation :

  • Comment le collaborateur est-il invité à ce rendez-vous, où cela se déroule-t-il (la confidentialité est de mise) ? 
  • Dans quel ordre convient-il de développer les différents arguments ? 
  • Faut-il annoncer la couleur dès le début de l’entretien ? 
  • Quels sont les objections susceptibles d’émerger et quelles réponses préparer ? 
  • Faut-il laisser une option ouverte à l’abandon de la décision ou pas ? 
  • Quelles sont les conditions de départ, financières et autres ?
  • Que dit le code du travail, quelles sont les limites légales à respecter (les RH sont là pour conseiller sur ce registre) ?

Autant de questions à passer sérieusement en revue avant de lancer l’opération. Une bonne préparation n’est pas une garantie de succès mais cela diminue très significativement les risques d’échec ou de drame…

 

3 – Consacrer un temps significatif à l’entretien

Un client en coaching s’excusait presque car il avait passé 2 heures à un entretien d’accord transactionnel. Bien au contraire, je me suis permis de le féliciter d’y avoir consacré une telle attention !

Mettre fin à un contrat de travail n’est pas une action quotidienne pour un manager, encore moins pour celui qui va perdre son emploi. Ce n’est pas toujours une surprise, il n’empêche. L’entretien sert à dénouer un lien qui a peut-être été tressé pendant des mois ou des années, et pas seulement avec le manager.

Pour la personne qui perd son job, c’est un moment de vertige (je le raconte dans “bref je me suis fait virer“) : il semble que tout s’écroule, que le sol se dérobe, que tout est à réinventer. Le risque de perte de confiance est colossal, sans compter les blessures, les ressentis de trahison, les impacts sur la santé. Pour le manager, prévoir du temps pour cet échange, 2 heures par exemple et tant mieux si tout se passe pour le mieux en 1 heure, c’est mettre le respect en avant, s’assurer que tout est bien compris de chaque coté, et s’engager ensemble, en adulte, vers l’étape suivante, technique elle, et dans laquelle les RH vont avoir leur rôle à jouer.

 

4 – Accueillir les émotions

Quand quelqu’un se fait virer, rien de pire que de lui dire : « enfin, cher ami, gérez vos émotions ! » D’une part, les émotions ne se gèrent pas, elles se traversent (objet d’autres articles de ce blog), et d’autre part quand on prend un autobus sur la tête, l’indifférence est peu probable.

Pour le manager, il faut se préparer à accueillir des émotions : des larmes peut-être, de la colère, de la consternation. Il existe peu de formations ou d’accompagnement à l’accueil des émotions et pourtant ce serait rudement utile.

Comprendre qu’une émotion est un message (la tristesse signifie « je suis près à passer à autre chose », la colère « je ne me sens pas respecté ») est très utile. Si au lieu d’entendre le message sous-jacent, le manager entre dans l’émotion de l’autre, ces forces vont s’additionner jusqu’à une possible explosion. 

Accueillir les émotions consiste à les écouter, à laisser l’autre les traverser, à entendre le message subliminal, enfin à reprendre l’échange « rationnel » quand le calme revient. Ce moment-là permet le fameux « fire with love » car si la décision est bonne, elle doit être accompagnée d’un échange d’humanité et de mesures concrètes (chèque, délai, propositions de reclassement, etc…).

Sans émotions, les leaders nous emmènent-ils à la catastrophe, ai-je écrit dans un autre article… Quand le langage des émotions seront enseignées dans le cursus scolaire, universitaire, professionnel, les entreprises iront mieux. Une émotion vraiment accueillie donne le juste sentiment qu’il est possible d’ouvrir le chapitre de vie suivant, sans trop de dommages.

 

5 – Eviter d’en faire (dire) trop

Ne nous méprenons pas. Si le manager en est arrivé à la décision de rupture et que cette décision est juste, il ne s’agit pas de s’épancher. Le choix est rationnel, la position doit le rester.

Alors qu’on est en train de se faire virer, entendre : « tu es quelqu’un d’exceptionnel, je crois en toi, tu as réalisé des choses magnifiques, j’écrirai des pages de recommandations sur les réseaux sociaux et sur ton blog » semble être le discours d’un faux-cul.

D’une certaine manière, il plus juste d’aller direct au but et d’être factuel :

« Bonjour Jojo, je t’ai demandé de venir me voir car j’ai une décision sérieuse à te présenter. J’ai décidé (le manager assume sa responsabilité en utilisant le « je ») de mettre fin à ton contrat de travail. 

Cette décision s’appuie sur 3 points clés : (1) blabla (2) blabla (3) blabla… et le blabla est très précis et très factuel.

J’ai une proposition à te faire qui me parait équitable, mais auparavant j’aimerais entendre ta réaction. »

Il s’agit d’un entretien entre 2 adultes responsables et non pas, comme cela prend trop souvent forme, entre celui qui joue un rôle de parent (le manager) et son enfant (le collaborateur). La décision est la suite d’une histoire, d’un travail de préparation, c’est l’aboutissement d’un processus et un travail de pro pour le manager.

 

En synthèse pour mettre fin à un contrat de travail…

 

Un manager professionnel traverse l’épisode de mettre fin à un contrat de travail en s’assurant :

(1) que c’est la bonne décision,

(2) en se préparant soigneusement,

(3) en consacrant un temps qualitatif à l’entretien,

(4) en comprenant qu’il devra probablement accueillir de fortes émotions,

(5) en prenant le ton juste au moment de faire l’annonce, sans trop en faire.

Si ce n’est pas la plus excitante des tâches à accomplir pour un manager, elle le confronte autant à une réalité qu’à développer ses propres qualités d’empathie, d’écoute, d’autorité.

 

Vos questions et réactions sont les bienvenues…
Préparer un licenciement with love fait partie des thèmes de coaching

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Bonjour, bienvenue sur mon blog

Je m’appelle Laurent de Rauglaudre (je sais, mon nom est imprononçable). Sur ce blog, j’écris des articles sur le leadership, le métier de consultant libre et de coach.

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