Où est le problème : trouver des clients, inventer un nouveau produit génial, recruter les collaborateurs les plus intelligents ? Peut-être. Pourtant, au coeur de la réussite se trouvent les mille et une failles de l’exécution. Parler de l’excellence opérationnelle, c’est rentrer dans un vaste débat de progrès. Comment atteindre l’excellence opérationnelle en équipe quand chacun n’a pas fait le travail personnel de clarifier ce qui qualifie un « bon professionnel » ?
Dans cet article qui n’a aucune vocation à l’exhaustivité, je balaie 9 points clés pour élever le niveau de professionnalisme, titiller la tangente de l’excellence opérationnelle. Il faudra une autre publication pour aborder la question de l’équipe. Cependant, il me parait improbable que l’excellence opérationnelle en équipe puisse émerger si chacun ne gravit pas, avec courage et détermination, les marches de sa propre efficacité personnelle…
Les 9 points ci-dessous ont surgit dans cet ordre-là. Est-ce à dire qu’il y a un ordre d’importance ? Probablement pas. J’ai souhaité les garder dans l’ordre de l’émergence, justement pour éviter le piège des poids relatifs : pour moi, chacun de ces points est crucial pour atteindre l’objectif… la liste est incomplète, c’est juste une invitation.
Mot 1 : l’agenda
Combien sont-ils à ne pas encore avoir compris l’importance des bonnes pratiques de la gestion du temps ? Combien sont en retard sur leurs dossiers, en retard à leur rendez-vous, l’agenda mal structuré, sans marge, sans équilibre ? Le matin, quelle est votre première action en vous mettant au boulot ? Le soir, quelle est votre dernière action en fermant votre « bureau » ?
L’agenda : première préoccupation de projection vers l’avenir, première action de réorganisation permanente. « Mon agenda, c’est ma commande de temps » me disait Christian Loridon, mon premier coach. Etre en conscience de sa commande de temps, c’est travailler le ré équilibrage en continu. Qu’ai-je prévu demain, la semaine prochaine, dans 1 mois ?
Tout est dans l’agenda : mes rendez-vous avec les autres comme avec moi-même, mes déplacements comme mes activités personnelles et mes marges entre rendez-vous. Mon agenda c’est ma décision de vie : elle est donc négociation avec les autres, elle est aussi respect de mon rythme et de mes priorités.
Votre agenda reflète-t-il votre excellence opérationnelle ?
Mot 2 : les relations
J’entre dans un speed-meeting : 5 minutes pour faire connaissance. Juste après le speed meeting, j’invite chacune des 12 personnes rencontrées à 1 heure de rendez-vous pour aller plus loin : 3 ou 4 répondent, 2 ou 3 de plus après mes relances.
Etonnant ! Quelle est cette croyance qui mélange la rencontre furtive avec la vraie création de relation ? Or, cher lecteur, en regardant les succès passés, combien sont dus à la création de relation claire, solide, essentielle ? Qui pense que la relation se contruit en un furtif instant ? Est-il possible de bien déléguer si la relation n’est que fonctionnelle : « tu n’es qu’un maillon de la chaine du travail, je n’ai pas de temps pour notre relation ! » Prout ! Pourquoi certaines relations très anciennes apportent-elles autant de valeur à nos vies, que ce soient des relations professionnelles ou amicales.
Prendre le temps de créer de la relation, n’est-ce-pas construire les bases d’une excellence opérationnelle de confiance ? Au delà du « speed meeting », comment consacrer une attention unique et précieuse à ceux avec qui nous avancons : nos collègues, nos collaborateurs, nos fournisseurs, nos clients et bien sur nos amis, notre famille ? Dans ce lien devenu irremplaçable, quelle place pour ce qui empêche de réussir ensemble ?
Avez-vous mis la création de la relation au coeur de votre stratégie d’exellence opérationnelle ?
Mot 3 : la synthèse
Il avait 35 ans environ et devenait mon boss. Italien et manager de référence dans mon histoire, je restais toujours étonné de sa communication : beaucoup d’écoute, quelques mots, direct au but, pas de délayage barbant. L’esprit de synthèse est un travail.
Pourquoi certains pensent-ils qu’il faut occuper tout l’espace sonore en dégueulant alentours tout ce qui leur passe par la tête. Cela transforme nombre de réunions en bavardage de généralités, en ennui et perte d’argent. Apprendre à parler quand c’est utile, se taire quand intervenir est inutile, surveiller son propos en langueur, en longueur, en approximations pour se reprendre et clore son bec. Porter l’hypothèse que l’interlocuteur est intelligent et n’a pas besoin d’explications par le menu, sauf s’il demande à en savoir plus. Il ne manquera pas de le faire si la création de la relation a autorisé toute question…
Il en va de même pour la communication écrite. La réponse à un courriel peut être courte, précise, ponctuée de tirets. La probabilité qu’un message arrive à destination (oral ou écrit) serait-elle inversement proportionnelle à sa densité ? Comme disait ce philosophe qui venait de pondre une démonstration de 800 pages et à qui on demandait : « que n’avez-vous fait une synthèse en 20 pages ? », de fustiger « je n’ai pas eu le temps ». La synthèse est un énorme travail de préparation. J’y viens…
Au passage, comment faire un tableau de bord en 1 page qui sert à la décision d’un comité de pilotage, d’un comité de direction, d’un conseil d’administration ?
N’est-ce pas de l’excellence opérationnelle que de prendre le temps de la synthèse ?
Mot 4 : la préparation
Je vais taquiner certains de mes clients… même dans les coaching qu’ils ont payé, certains arrivent sans préparation aucune. Combien de fois avez-vous noté que des collaborateurs, des clients, des fournisseurs viennent en réunion sans préparation.
Je me trouve un jour autour d’une table : 3 notaires dans la salle (plus leurs sous-fifres), la vendeuse de l’immeuble que j’envisage d’acheter, la co-propriétaire avec qui j’envisage un deal. Le notaire-hôte, belle salle de réunion dans une tour de Marseille, arrive (en retard) et demande : « que devons-nous traiter aujourd’hui ? » Les bras m’en tombent. Pendant toute la réunion, je serai celui qui sortira : les plans, les prévisions financières, les négociations en cours. L’affaire ne se fera finalement pas. Consternant… et loin d’être un épisode unique !
Je reviens à l’agenda. Comment votre agenda reflète-t-il la nécessité de préparer les prochaines échéances ? Réservez-vous du temps ? Combien ? Est-ce suffisant ? Avez-vous l’esprit sans cesse branché sur la correction des erreurs, sur les urgences ? Souffrez-vous de lifophilie ? Quand déciderez-vous d’inverser la vapeur et mettre la vertu de la préparation dans votre action et votre agenda ? Préférez-vous la pseudo croyance que vous êtes performant car vous savez éteindre les feux mieux que quiconque ?
Sans préparation planifiée, sérieusement, je vous le demande, pensez-vous pouvoir aller vers l’excellence opérationnelle ?
Mot 5 : la respiration
Plusieurs fois par jour, je me branche sur mes épaules : elles sont tendues ! C’est le moment de laisser tomber les bras. Au passage, je reprends conscience de mon diaphragme : « fermé il est » constate le Jedi, l’air est coincé en haut. Respirer, profondément. Combien de fois les coachs et autres prodigueurs de bien-être vous l’ont répété ? Combien de fois le faites-vous par jour ?
La respiration est l’affaire du corps comme, j’y reviens, de l’agenda. Quand toutes les réunions s’enchainent sans marge, c’est comme l’illusion entretenue que l’être extraordinaire que je suis va réussir tous les défis enchainés avec le même niveau de performance. Les défis enchainés ne deviennent-elles pas les chaines, l’esclavage consenti d’un tourbillon peu fécond ?
Prendre le temps de se reposer, de se promener, de regarder par la fenêtre, de ne rien faire, de se vautrer un instant, en clair de se donner un espace de respiration procède du sain respect de soi, qui ouvre la porte à la performance. Avez-vous intégré cette croyance de superman/superwoman que c’est l’accumulation du faire qui va vous permettre de briller ? Les super-héros n’ont pas le temps de se reposer…
Comment pouvez-vous adopter, comme allié, l’air qui alimente votre vie plusieurs dizaines de fois par minute, allié aux bons soins de votre excellence opérationnelle ?
Mot 6 : la concentration
Parmi les nombreuses illusions que nous prodigue cette civilisation du zapping, se niche l’idée que l’on peut réaliser tout un tas de choses en même temps. Les hommes se font taquiner par les femmes sur leur soit-disant incapacité à faire plusieurs choses à la fois. Cette bonne vieille taquinerie de derrière les fagots provient probablement de la propension des femmes a être nettement plus en première ligne que les hommes pour le ménage de la maison (NB : c’est un poncif, je sais). En réalité, il y a confusion : si je suis en train de faire le ménage, je mets en parallèle plusieurs actions (lancer la machine à laver, allumer le four, balayer, essuyer la table, etc…), ce qui est objectivement efficace. Je suis concentré sur une action principale : mon ménage.
Quand j’écris cet article, j’ai plein de sources possibles de distractions. Je n’en viendrai pas à bout si je ne les élimine pas pour rester concentré sur la tache. Donc : je prends le temps d’éliminer toutes les interruptions sonores (ces notifications agacantes), je me discipline pendant la durée de la tache et j’évite les distractions. La concentration permet d’aller plus loin, plus juste, de mettre toute mon énergie au service d’un sujet, trop content de se voir traité avec autant d’égards. Je serai plus performant si j’ai investi de la bonne concentration pour préparer mon prochain rendez-vous, n’est-il pas milord ?
La concentration sur l’action à accomplir va procurer son lot de bénéfices : efficacité, résultats, qualité, satisfaction personnelle, créativité, plaisir. Sympa les résultats !
Comment s’approprier la bonne pratique de la concentration ? Comment contribue-t-elle à votre excellence opérationnelle ? Est-il possible de le décider ?
Mot 7 : la décision
De la concentration à la décision… Décider n’est-ce pas apprendre à développer la capacité à dire « oui », un vrai « oui », ou dire « non », un vrai non ? Décider est-il un exercice délicat ? Bien sur. Je propose d’ailleurs une démarche pour prendre les décisions difficiles. Ce qu’on attend d’un pro, c’est qu’il décide. « J’y va-t-y, j’y va-t-y-pas ». Cette danse du ventre est pénible à vivre. La période qui précède le moment où l’on tranche est instable. Certaines décisions demandent temps, maturation. Beaucoup d’autres, plus simples, restent en souffrance de l’indécision.
Pourquoi ne pas régler leur compte à toutes ces décisions utiles, à faible enjeu, qui restent à encombrer le flux, à contraindre le flow ? Souvent quand on se retourne, on s’interroge pourquoi on a tellement tardé sur cette décision… Qu’est-ce qui nous retenait ? La peur de dire non, de ce que ce « non » risquait de nous faire perdre ? Imaginez le carrefour : le « non, je ne vais pas à droite » n’est-il pas juste le reflet du « oui, je tourne à gauche ».
Prendre la décision, qu’elle soit bonne ou pas, ne rentre-t-elle pas dans cette suite d’approximations, de ce chemin d’équilibriste de notre vie. Inversement, combien de temps l’équilibriste sur son fil peut-il rester immobile, au risque de choir par manque de mouvement. La décision n’est-elle pas le mouvement ?
L’excellence opérationnelle souffrirait-elle de ce temps perdu dans l’entre-deux ?
Mot 8 : le langage
Je n’échapperai pas ici à la référence des accords Toltèques que j’ai abondamment commentés dans mes articles, et que je rappelle aux bons souvenirs de ceux qui m’accompagnent dans mes pérégrinations dans le désert. Tous les consultants le savent : les mots sont révélateurs des maux.
Le langage donne son espace à la précision. Elargir son vocabulaire c’est donner sa chance à l’élargissement du possible et partant, à la créativité, à la délégation, à la compréhension. La perception des mots par soi et les autres (y compris la perception dans mon fors intérieur de ce discours personnel incessant) ouvre le champ d’une relation fine. Quand il s’agit de réaliser pour un client une prestation, se trouve dans son langage tout le nécessaire, pour peu qu’on soit attentif dans la phase d’enquête. Le contrat devient alors possible, affaire de méthode.
Le langage porte l’intention et le sens. C’est pourquoi le choix des mots est crucial. Le déversement volubile, désordonné, d’expressions rabachées, de phrases convenues, de platitudes à la mode serait-il propice à l’engagement, à la motivation, à la clarté ? Dans notre univers encombré d’inutilités, le langage donne-t-il sa chance pour bâtir un travail bien fait ? Encore faut-il rester en éveil de ce que, nom d’une pipe, je suis en train de raconter. Relisons les Toltèques…
En nous différenciant des autres espèces animales, le langage nous permet-il de choisir l’excellence opérationnelle ? That is the question…
Mot 9 : le ménage
J’en reviens au ménage : imaginez votre maison sans faire le ménage pendant 6 mois. Oups, si c’est le cas, je vous vois rougir derrière votre écran. Respirons ensemble… Mon colocataire en Tunisie était un paresseux de la vaisselle. Enervé, j’avais décidé de ne plus la faire pendant plusieurs semaines : les moutons dégénérés de décomposition d’aliments trainaient à tous les étages de la cuisine. Un vrai cocktail de micro-organismes se développait joyeusement, j’avais du fermer la porte. Puis, je craquai et réglai son compte à cet amas écoeurant.
Dans nos ordinateurs, combien de fois fait-on le ménage par an ? Quand nettoie-t-on nos messageries, nos dossiers obsolètes, quand rangeons-nous les papiers, revisitons-nous les processus, clarifions-nous les rôles et responsabilités, et j’en passe… Le ménage est à faire partout, régulièrement, consciencieusement.
Quand je croise un fier à bras qui me souffle « je reçois 150 courriels par jour », sous-entendant qu’il est probablement quelqu’un de très important, je ne peux m’empécher de penser : quelle organisation catastrophique ! quel manque de délégation ! quelle communication de merde ! quel paquet d’excuses à la noix ! quel manque d’analyse de sa manière de travailler ! quelle propension à organiser l’urgence pour entretenir l’illusion d’exister ! Bref, quel client potentiel…
Avez-vous remarqué que le ménage est à faire tout le temps ? Toutes les semaines, un peu tous les jours, et parfois un grand nettoyage. Il en va de même dans les bonnes pratiques de son travail, n’est-il pas ? Qu’est-ce que je dois réorganiser ? Quelles méthodes sont à apprendre ou éliminer ? Comment réduire les flux inutiles ? Pourquoi je reçois autant de courriels ? Pourquoi tant de poussière vient-elle encombrer mes dossiers, mes relations, mes outils ? Pourquoi est-il impossible d’éliminer l’arrivée de la poussière ? L’entropie ? Comment me décider à faire le ménage, à en faire une saine pratique tout autour de mes outils ?
Un jour que je visitais l’atelier en grand désordre d’un de mes clients, je lui déclarais dans mon diagnostic de management : « la top priorité est de faire le ménage » ! Il ne m’a pas écouté.
Comment échapper au ménage quand on vise l’excellence opérationnelle ?
J’aurais pu rajouter d’autres thèmes, d’autres mots… ceux-là me paraissent déjà une bonne base de travail. Au lieu de se mettre en posture de victime d’un système qui ne fonctionne pas bien, la première étape n’est-elle pas de faire le ménage (encore !) devant sa porte ? Il est surprenant de constater à quel point de belles idées, des projets sympas, de nobles intentions se perdent dans le tumulte d’une mise en opération de piètre facture. Comment se fait-il que beaucoup prennent si peu de temps à se demander :
« Comment je m’y prends ? »
Car là est le secret de l’excellence opérationnelle : rester en éveil sur ma manière de faire. Respecter les autres comme soi-même, mettre en place les bons outils, adopter des processus efficaces et, sans relâche, considérer que le désordre reviendra, et que ma mission sera de ranger ce foutoir. Petit détour sur le foutoir d’ailleurs : il est bon de le laisser prendre sa place. Un beau foutoir est souvent le chaos d’où surgit l’émergence. Puis, tel un grand architecte bien ordonné, vient le temps de ranger les galaxies, structurer des systèmes planétaires autour des étoiles, enfin, pourquoi pas, sur un beau bloc bleuté aux confins du cosmos, recréer la vie.
Sans excellence opérationnelle, la vie est-elle vraiment possible ?
De l’ordre au chaos et retour à la vie…. belles paraboles Laurent !
Puisse chacun de nous trouver l’équilibre entre tous ces précieux conseils et notre propre expérience.
De la prise de conscience naît parfois le changement. Du changement naît certainement le progrès. Et du progrès, souvent le plaisir.
Une dernière citation que j’aime bien : « Nous sommes ce que nous répétons chaque jour. L’excellence n’est alors plus un acte, mais une habitude »
Aristote
Merci Laurent pour cette belle inspiration du week-end.
Merci de ce commentaire encourageant… Plutôt juste l’Aristote 🙂
Et pour l’ordre, le chaos et la vie, ils cousinent tous, n’est-il pas ? L’excellence passe aussi par reconnaitre que l’ordre et le chaos ont leur place… Joli exercice d’équilibriste.